Les réunions cliniques

Qu’est-ce qui nous ramène ainsi tous les quinze jours au CPCT vers une conversation dont malgré la répétition nous sortons chaque fois étonnés d’avoir encore appris quelque chose de neuf ?

Chacun de nous lit avec attention les textes que nous recevons à l’avance, ceux que nous allons travailler et qui concernent toujours la particularité d’une rencontre entre un patient et un praticien. Je suis frappée de l’écart entre le chemin frayé au cours de la conversation clinique et la construction que j’avais ébauchée en griffonnant quelques remarques éparses sur la feuille imprimée, des notes pas forcément erronée, mais justement, là n’est pas la question. Une part de l’insaisissable dit-mansion de la rencontre s’inscrit dans la conversation, via la parole du praticien présentant le cas et répondant aux questions posées par les participants et par le psychanalyste qui anime la soirée. Il y faut du tact et, pour chacun, une suspension de son savoir propre, au profit de l’élaboration patiente et pragmatique d’une compréhension logique, nouant divers paramètres : ce qui s’écrit et ce qui se dit, ce qui se lit et ce qui n’est pas à lire.

Chacun freinant sa pente à vouloir comprendre trop vite, on veille à garder ouvert cet effet de perplexité qui témoigne d’un effort de bien-dire de la part des patients désorientés que nous accueillons. Il ne s’agit pas de déchiffrer des signifiants disparates, des phrases bizarres, mais de les repérer comme la frappe de leur énigme singulière, une tentative d’accrocher ce qu’une patiente a nommé son « don », le trait unique qu’elle voudrait trouver.

Il n’est pas facile de cerner la demande, voire de la susciter chez les sujets accablés, isolés, déboussolés qui viennent nous parler, et il arrive que ce soit au cours de la conversation clinique que l’on découvre précisément ce que l’on a accueilli et comment. C’est à partir de cette demande, sa forme, son absence que le praticien prend position dans la langue même, pour se faire partenaire du sujet et lui permettre de trouver  un point d’où s’appuyer pour parler, déplier sa question.

Depuis cinq ans que nous travaillons ainsi, nous formant à ce que nous enseigne le savoir des patients  conjugué à celui de la psychanalyse appliquée à leur malaise, notre étonnement est resté vif, au service d’un désir qui ne s’est pas émoussé.

Michèle Rivoire, praticienne au cpct
Janvier 2013