De l’isolement à la dépression, le poids de la précarité.

La première journée d’échange et de formation du CPCT Lyon s’est tenue le jeudi 2 octobre 2008 sous le titre :  » De l’isolement à la dépression : le poids de la précarité ».

Par Pierre Forestier

L’amphithéâtre de la Caisse d’Allocations familiales dans le quartier de la Part- Dieu a pu accueillir 320 personnes mais nous avons dû refuser plus d’une centaine de demandes d’inscription.

Beaucoup se sont déplacés de loin, bien au-delà de la région Rhône-Alpes, rassemblant des professionnels d’horizons très divers: responsables territoriaux associatifs, médecins psychiatres des CHS de Lyon, ou des CMP de la région, psychologues et psychanalystes libéraux.

Ce sont des signes  d’un territoire bien maillé et d’une communication bien relayée par les équipes en charge de la santé et de l’insertion  de la ville de Lyon, du  Conseil Général du Rhône et des associations avec lesquelles nous  travaillons et qui nous accordent leur confiance.

L’enjeu de cette journée  était de rendre compte de l’activité et de transmettre l’expérience clinique du CPCT Lyon  après une année  de fonctionnement  à tous  ceux avec lesquels nous avons bâti un partenariat actif : hommes politiques, travailleurs sociaux, représentants de l’état ou d’organisme financeur, professionnels concernés.

Le Professeur Jean-Louis Touraine, député de Lyon,  considère  l’avancée de la psychanalyse par rapport au temps de Freud. Il annonce des difficultés auquel  l’Etat aura à faire face: « donner plus de soutien à davantage de personnes avec des moyens moindres ». Cela implique de changer de système, d’ inventer  et de distinguer  « la valeur humaine des personnes de la valeur marchande ».

Monsieur  Albéric de Lavernée, Vice -président du Conseil Général du Rhône, s’est félicité de cet anniversaire de partenariat qu’il qualifie de providentiel  du fait de certaines impasses rencontrées dans l’accompagnement de  certains RMIstes. Il  souhaite un financement pérenne pour le CPCT, mettant en valeur la rapidité de ses interventions et la qualité des prestations, tout en soulignant   » l’engagement des bénévoles expérimentés ».

« Les travailleurs sociaux dans l’accompagnement »  était le titre de la table ronde animée par Frédérique Garcin de Allies Plie de Lyon et Nicole Borie. Les travailleurs sociaux ont témoigné avec simplicité et sans langue de bois des problèmes rencontrés dans leur pratique. Ils sont les partenaires privilégiés du CPCT Lyon. Plus des trois-quarts des personnes adressées au centre le sont par des chargés de suivi (RMI, emploi, insertion). Sans concertation, ils ont choisi de parler de cas reçus et chacun a insisté sur la valeur du réseau associatif et le difficile paradoxe des objectifs demandés et la détresse des situations accueillies. Ils ont tenu à dire combien les difficultés psychiques constituent une entrave voire un empêchement dans le délicat travail dit d’insertion. Ils ont également indiqué comment ils pouvaient utiliser l’offre du CPCT.

Fabien Grasser, Directeur du CPCT Paris nous a fait l’amitié et le plaisir d’animer la séquence clinique.

Christine Guillet-Cuénot, Directrice  a fait une présentation des éléments quantitatifs et qualitatifs de  cette année d’activité  du CPCT Lyon : plus de 500 personnes accueillies,  40% d’hommes, 60 % de femmes, un nombre important qui nous a surpris de diplômés et une grande proportion de personnes isolées, vivant seules et présentant un état dépressif. D’où le titre choisi pour cette Journée.

Les exposés cliniques de Christine Guillet-Cuénot et de Pierre Forestier présentaient le temps de la consultation, de Nicole Oubaîd et Michèle Rivoire le temps du traitement, de Nicole Dib et Jérome Lecaux le temps des effets thérapeutiques.

Fabien Grasser dans le style que nous lui connaissons remarquait  un symptôme présent dans 5 cas sur 6, la clinophilie ( signe d’isolement?), la rapidité des effets produits, en une ou trois séances, qu’à l’origine de chaque cas quelque chose de réel ne pouvait se symboliser  et il soulignait la dimension de l’acte. Il nous a dit sa préférence pour parler du CPCT comme lieu de parole plutôt que lieu de soin, lieu d’application de la psychanalyse, « de bricolage avec la parole grâce à la psychanalyse ».  En somme d’un asile bref à la parole qui n’avait pas d’adresse.

Jacqueline Dhéret animait l’après-midi.

Carmen Cunat venue tout spécialement de Madrid nous a exposé les circonstances particulières  voire singulières de la naissance du CPCT de Madrid, comme réponse des psychanalystes madrilènes aux attentats de mars 2002. Elle a mis l’accent sur la contingence  mais aussi , de façon plus surprenante  sur l’amour! Nous retiendrons son terme « d’affectés » qu’elle tenait à ne pas traduire par « victimes ». Sa venue restera  un événement pour nous.

La table ronde  sur « Les cliniques de la précarité dans les politiques de santé publique »  réunissait  le docteur Jean Furtos, psychiatre des hôpitaux et directeur scientifique de l’ORSPERE, madame Nathalie Leuridan, Directrice du pole santé DRASS et monsieur Louis Leveque, adjoint au Maire de Lyon, chargé de la politique de la ville. Il fallait tout le savoir faire de Jacqueline Dhéret et un fil conducteur, celui ce la conception de chacun de la notion de précarité pour qu’une conversation puisse  se tenir entre des personnes ne parlant pas la même langue.

Ainsi Jean Furtos, distingue-t-il une précarité « ordinaire » qui peut faire appel à l’autre, d’une précarité définie par lui  comme « l’obsession de perdre des objets sociaux », marquée par la perte de confiance en soi, en l’autre ,en l’avenir. A la DRASS c’est la notion de vulnérabilité qui est mise en avant, et pour l’élu, la notion de précarité se veut plus large, se repérant dans la cité par certains signes discrets parfois, tels l’incurie, l’insalubrité des logements, etc. ne concernant pas un public repéré, répertorié et pouvant entrer dans les statistiques.

Jacques Borie enfin, ponctuait cette journée par un exposé  intitulé « L’analyste accueille la disparité de chacun », mettant en valeur de manière rigoureuse et précise le rapport de l’individuel et du collectif, à partir de la clinique que nous enseigne le CPCT, soit au joint du plus intime de chacun qui souffre et du social.  Le symptôme, toujours singulier, est la voie du traitement. La meilleure manière de répondre à l’objectif de cette journée  de formation et de transmission de l’expérience du CPCT: démontrer l’efficace de sa démarche fondée sur la psychanalyse d’orientation lacanienne.

Pierre Forestier

Président CPCT Lyon.

Nous tenons à remercier l’artiste peintre Daniel Tillier, Directeur artistique de l’Attrape-Couleurs, qui nous a autorisé à reproduire sa peinture, pour l’annonce de cette journée.